Aliments santé, faibles en gras, sans sucre : tous des termes fréquemment recherchés, mais qui, pourtant, ne nous guident peut-être pas vraiment. Et si ce n’étaient pas les bonnes questions à se poser? Et si, plutôt que de juger les aliments un par un, on considérait notre alimentation dans son ensemble et avec ressenti? Petite discussion sur l’alimentation intuitive avec Karine Gravel, nutritionniste, docteure en nutrition et autrice du livre De la culture des diètes à l’alimentation intuitive.
C’est en 2010, suite à la lecture d’un article scientifique, que Karine Gravel a été interpellée par ce concept nommé intuitive eating en anglais, qui préconise une approche bienveillante par rapport à l’alimentation, tout en reconnaissant les conséquences néfastes des diètes amaigrissantes. « Manger, c’est supposé être un plaisir, pas un fardeau qui nous occupe l’esprit », précise l’experte qui mentionne de surcroît les bienfaits associés à cette approche selon la littérature scientifique.
Donc, alimentation intuitive, vous dites?
Selon ce précepte, il est entendu que tous les humains ont des besoins nutritifs à combler, mais que ceux-ci évoluent au fil du temps. Et Karine d’ajouter :
« Dans l’alimentation intuitive, il est question de se défaire des règles et d’un discours plus rigide pour apprendre à s’écouter. De passer par ce que l’on ressent plutôt que ce qu’on pense que l’on devrait faire. Car hormis ceux qui ont une condition médicale qui le nécessiterait, mieux vaut ne pas catégoriser les aliments et éviter la fameuse impression de “tricher”. »
En mangeant de manière intuitive, on appréciera les aliments et on saura reconnaître la quantité qui correspond aux besoins de notre corps. À preuve, une personne qui mange intuitivement ne mangera pas plus gras, plus sucré ou salé, et même elle mangera une plus grande variété d’aliments selon des études.
En fait, pour parvenir à manger plus intuitivement, on tente de répondre à ses besoins avec des aliments satisfaisants, plutôt que de les catégoriser, précise la nutritionniste : « Une saine alimentation comprend une diversité d’aliments qui ont une valeur nutritive, mais aussi une valeur gastronomique, culturelle ou affective. » Une vision plus holistique donc, qui propose de regarder l’alimentation comme un tout, et pas simplement la somme de ses parties. Là où l’alimentation a longtemps été proposée selon une approche dans laquelle il y a des types d’aliments et des quantités, l’alimentation intuitive propose plutôt de réapprendre à s’écouter et savoir reconnaître les messages que nous envoie notre corps.
Ça nous dit quoi à nous, amateurs de fromages?
Déjà, ça nous dit de considérer les aliments que l’on apprécie pour ce qu’ils nous apportent, à nous. Et notre nutritionniste de spécifier :
« Juger aliment par aliment ou nutriment par nutriment, c’est un système incomplet. La situation est beaucoup plus complexe et nuancée que ça. En étant plus conscients de ce que notre alimentation nous fait comme effet, ça nous permet de nous reconnecter à ce que l’on vit, et donc comment mieux y répondre. Car se sentir satisfait, ce n’est pas que faire le plein de nutriments, mais se sentir bien, confortable, avoir de l’énergie. »
Un aliment que l’on apprécie et qui nous fait du bien est donc un aliment intéressant. Évidemment, sa valeur nutritive est aussi une variable non négligeable, mais qui ne doit plus être vue comme la seule valeur appréciable.
« Le fromage, par exemple, renferme plusieurs nutriments et a une densité calorique élevée (donc c’est rassasiant), mais c’est aussi un aliment que l’on peut considérer dans le cadre de notre alimentation, par rapport à un ensemble de repas et de collations. C’est un aliment qui nourrit notre corps, comme tous les aliments, mais qui peut aussi donner le sentiment de prendre soin de soi en cuisinant ses plats préférés, en reconnectant avec ses souvenirs, en découvrant des plaisirs parfois oubliés. » - Karine Gravel
Être bien dans son assiette
L’approche, déjà étudiée depuis plus de vingt ans, suscite beaucoup d’engouement dans la population générale comme dans le domaine de la recherche. D’une part, cette approche bienveillante permet de se détacher de la lourdeur de gestion associée au calcul de ce qui est ingéré, mais permet aussi de se réapproprier l’appréciation au fait de se nourrir. D’après certaines études, les bienfaits du point de vue psychologique vont de la sensation de bien-être perçue à une diminution de l’insatisfaction corporelle en passant par une meilleure estime de soi et moins de symptômes dépressifs. À ça, on dit oui.
Ça vous parle? Vous pouvez vous procurer le livre de Karine Gravel sur l’alimentation intuitive, ou encore vous satisfaire le corps et l’âme en cuisinant une bonne recette comme ce risotto de courge ou cette soupe lasagne réconfortante.