Au Québec, on recourt à différentes races de vaches pour produire nos fromages. Mais lesquelles, au juste? On en a discuté avec deux experts.

C’est vers 1608, avec l’arrivée de Samuel de Champlain et des colons français dans la région de Québec, qu’on a commencé à faire du fromage au Québec.

La vache de race canadienne résulte de croisements entre les différentes vaches qui ont été transportées de France à cette époque. « Son lait très riche est idéal pour la transformation en crème, beurre ou fromage », souligne Jean-Philippe Maurice, du distributeur Aux Terroirs. Si bien que les fromages fabriqués avec son lait profitent depuis 2016 d’une appellation de spécificité « Fromage de vache de race Canadienne » mettant en relief leur teneur particulièrement élevée en protéines, matières grasses, minéraux et calcium.

De plus en plus rares (on n’en trouve plus que quelques centaines sur notre territoire), les vaches canadiennes se trouvent aujourd’hui principalement dans Charlevoix (à la Laiterie Charlevoix) et aux Îles-de-la-Madeleine, à la Fromagerie du Pied-De-Vent.

Une question de disponibilité

Les Québécois sont de grands consommateurs de fromages fins – on parle de 5 à 6 kg par personne par année comparativement à 4 kg pour le reste du Canada. Pour répondre à la demande, nos fromagers optent donc généralement pour le lait le plus frais auquel ils ont accès. Ainsi, s’ils ne disposent pas eux-mêmes d’un troupeau, ils font appel aux fermes environnantes.

90 % des vaches québécoises sont de race Holstein. Grandes et tachetées noir, elles fournissent en moyenne 8 200 kg de lait chaque année. (Pour donner un ordre de grandeur, la Canadienne fournit 5 600 kg.) Le lait de la vache Holstein est gras à environ 4 %et est notamment présent dans les produits de la Fromagerie Blackburn, de la Fromagerie du Domaine Féodal et de la Fromagerie La Station.

La vache Ayrshire, semblable à la Holstein (ses taches tendent cependant vers le roux), offre quant à elle un lait un peu moins abondant, mais quelque peu plus protéiné, qu’on trouve notamment dans les produits de la Fromagerie de l’Autre Versant et de la Fromagerie au Pays-des-Bleuets.

De son côté, la race Suisse brune fait un lait apparenté à celui de la Canadienne et, conséquemment, plus protéiné et gras que ceux de la Ayrshire et de la Holstein. Ce dernier est utilisé dans la fabrication des produits de la Fromageries des Grondines, d’Au Gré des Champs et Lehmann.

Le cas Jersey

Caroline Pelletier, vice-présidente du Conseil québécois des vaches laitières et propriétaire de la Fromagerie Missiska, travaille pour sa part exclusivement avec la race Jersey, qui est de plus petite taille : « Grâce à leur métabolisme distinct, nos vaches produisent un lait gras à 5,75 %, ce qui permet d’obtenir des textures crémeuses, et une pâte bien molle. »

On y trouve aussi la protéine bêta-caséine A2, qui favoriserait la qualité du gel et du caillé, et qui contribuerait aux propriétés digestives et nutritives du fromage.

L’importance de l’alimentation

Bien plus que la race, l’environnement de la vache, sa génétique et son alimentation ont une influence sur le goût du fromage. Pour des résultats optimaux, les producteurs tendent entre autres à privilégier une alimentation d’herbes et de foin séché, qui donne un goût plus sucré. À l’inverse, ils évitent le maïs ensilage qui, contrairement au maïs en grains, donne des arômes « piquants et d’ammoniaque », souligne Caroline Pelletier.

Visiblement, ça fonctionne! En se distinguant de plus en plus sur la scène internationale (en 2018, L’Extra d’Agropur était sacré meilleur camembert au monde lors du World Championship Cheese Contest et l’Alfred Le Fermier 24 mois de la Fromagerie La Station recevait une médaille d’Or au World Cheese Awards…) et en fabriquant à eux seuls plus de la moitié de la totalité des variétés canadiennes actuellement sur le marché (soit 600 sur 1000), nos fromagers ont de toute évidence le chic pour tirer le meilleur de nos vaches.